Un bilan à j50 – La psychologie du voyage

Juin 19, 2019

Le plus facile c’est le vélo

 

A partir du moment où les garçons sont cools, tout roule. Et ils le sont.

45 km/jour en moyenne « ça passe crème ».

  • Moralement

Les enfants : jusqu’à 16h30, les garçons sont calmes. Après, celui qui est à l’avant du Pino se met à tchatcher sans relâche, et celui qui est dans la carriole commence à secouer … si vraiment on doit encore rouler à cette heure, une petite tournée de fruits et/ou gâteaux pour tout le monde 😉

Les parents : dans des conditions « normales » (temps et revêtement corrects), c’est facile jusqu’à 17h/50 km ; après ça devient un peu plus de la détermination

  • Physiquement

Les quelques fois où nous avons fait 60, 70 kilomètres, nous avons senti que ça commençait à tirer un peu, que des douleurs pouvaient poindre. Mais au bout de 50 jours, toujours aucun problème physique à relever, ni aux fesses, ni aux dos. Pour Vincent c’est même l’inverse : fini le cou dur comme du bois, les résidus de sciatique ou autre mâchoire vissée à double tour ! Et c’est pendant la pause d’une semaine à Gdansk que des douleurs ont refait surface ! (à porter les enfants pendant nos visites de la ville)

  • Les paramètres influant le « rendement de roulement » :
    • Le revêtement
    • Le vent
    • Le dénivelé
  • Les paramètres influant le « confort de roulement » :
    • L’heure de départ vs. le nombre de kilomètres à faire
    • La fréquentation des voies que nous empruntons
    • Le paysage
    • Les conditions météo.

Le plus simple dans tout ça, c’est de rouler ! (merci nos mollets et merci Google Maps, MapsMe et autre Osmand)

En résumé :

  • lorsque j’expliquais à Emile, après 45 jours sur la route, que nous allions faire une journée de pause, sans vélo, et rester au bord de la mer au camping (première « pause spontanée »), sa réponse fût : « Bin pourquoi ? »
  • 6 jours plus tard, après 1 journée à Gdansk, Fernand demandait à remonter sur le Pino et à partir
  • et au bout de 5 jours de pause (toujours à Gdansk), tout le monde disait en cœur « ça me manque, le vélo » !

 

 

 

 

Nouvelle vie, nouveaux repères à trouver

 

Les principaux éléments à relever :

  • 1 journée c’est court, en vadrouille comme à la maison
  • La vadrouille, c’est des situations nouvelles, des réactions nouvelles, qu’on apprend à gérer
  • Ce trip c’est 100% du temps ensemble : ça peut être un peu encombrant, mais ça a aussi beaucoup d’avantages
  • Ce trip c’est des vacances !

Les garçons ont mis 3 semaines a intégrer cette nouvelle vie. Après ça, du velours. C’est fou, la flexibilité des enfants. Au départ, il fallait un quart d’heure pour les faire « embarquer », il fallait cadrer les pauses, expliquer chaque tâche de la journée, accompagner, expliquer, orienter … diriger. Une fois digéré, tout devient (presque) naturel. Et ça tombe bien, parce que pour les parents la digestion est plus lente.

 

Le confort, le mouvement, le mode de vie

 

Il faut voir que nous sommes partis sans aucune expérience de ce genre de vacances, du bivouac et très peu de kilomètres de vélos aux compteurs.

Dans ce contexte, les premières semaines ont été de la (grande) découverte, et de l’excitation ! On dit les premières semaines, mais il semble -j’espère- que l’excitation sera toujours présente. Au bout de 50 jours elle est toujours là.

Pendant 15 jours, l’excitation se suffit à elle-même, le reste est accessoire. On se concentre sur rouler, manger, dormir, et on est heureux. On découvre ce que c’est le rythme vélo, de suivre un itinéraire (Google) -en commençant par la Suisse, c’est confort, voire royal-, ce que c’est de chercher des ravitos bouffe, et trouver un endroit pour la nuit. Et ce que c’est d’installer et ranger un bivouac ! Et on se rend compte que ça ne laisse pas beaucoup de temps morts. Les 2 plus grosses contraintes ? La météo, qui ne nous aide pas, et le budget, 40 euros/jour en Suisse … mais l’aventure c’est l’aventure, et nous sommes contents d’y être.

 

Puis vient un temps où on a besoin d’un peu d’ordre, de fluidité, d’habitudes. Arrêter de déballer 5 sacoches pour trouver le sel, de se demander 5 fois par matin comment on doit ranger et charger tout le matériel, de se stresser pour réussir à partir avant 11h, le tout en gardant un œil sur les garçons, qui veulent déjeuner, se laver, dessiner, courir, sauter, comprendre. L’air de rien, il nous a fallu plus d’un mois pour devenir efficaces. Ca permet non pas de partir plus tôt, mais de mieux profiter, les uns des autres, des lieux, du temps, des vacances quoi !

Au bout d’un moment, on est donc moins le nez collé au guidon, et on commence à intégrer les temps de la journée, des humeurs et des besoins des uns et des autres, surtout concernant les enfants. Au début, gérer l’installation de la tente, la cuisine sur un réchaud branlant, et les garçons qui courent dans tous les sens -de préférence là où c’est stressant- ça donne lieu à des réactions un peu brusques.

Au bout d’un moment, on a un vécu commun. Commun à 100%, ce qui n’arrive jamais à la maison ! Je passe sur le besoin de s’isoler, qui, jusqu’ici, ne semble avoir touché personne. Côté positif, on relève que plus de commun ça veut dire moins de décalages, de zones grises, d’explications incomprises. C’est aussi des responsabilités presque toujours conjointes. Et enfin, c’est de la vie ensemble, en trait continu. C’est plus facile de comprendre les réactions des autres, d’en parler. Et c’est plus de moments doux. Ah, tous ces matins câlins ! Ah, tous ces moments furtifs et simples ! Ah, ces réflexions hilarantes d’Emile, et ces regards en coin de Fernand !

Et puis comme c’est des vacances, des vacances d’un an, et que nous le vivons comme une chance fantastique, on se détend. On travaille à la zénitude. Il n’y a pas de maître yoga ou Yoda ici, mais le côté clair de la force est arrivé à un degré très agréable.

 

En parallèle, il y a la question de la « normalisation » : aimer cette vie. Il y a 2 découvertes dans cette nouvelle vie : notre vie et « la vie des autres ». L’intérieur et l’extérieur. L’extérieur restera une découverte (les paysages, les langues, les comportements, les échanges) et une excitation. L’intérieur, lui, s’intègre, petit à petit. Monter la tente, allumer le réchaud, trouver son slip au fond de sa sacoche, avoir chaud ou froid dans la tente … passer de la case « aventure » à la case « quotidien ». A un moment, ce n’est plus l’excitation qui nous tient. Alors, il faut aimer ce mode de vie, non plus de façon exceptionnelle, mais naturellement. A ce jeu, Céline a basculé plus tôt que Vincent. Les grands gagnants étant visiblement les garçons, presque 1 mois avant tout le monde ! Vers J45 Céline est passée, du jour au lendemain, en mode normal : « le bivouac, le vélo, c’est notre vie normale, et j’aime ça ». Pour Vincent il y a eu quelques jours de battement pour passer de l’excitation à la normalité. Il y a eu un campement presque parfait (températures agréables, air sec, pas de bestioles piquantes) ; là, on se voit « trappeur à vie » ;D Le lendemain les températures étaient toujours agréables, mais la soirée « fût piquante » et la nuit humide ; là, on se demande si on va réellement intégrer un jour (un soir, devrais-je dire) ce mode de vie comme quelque chose de naturel. Or je pense qu’il faut que ça s’intègre ; on ne peut pas tenir 1 an en « mode exceptionnel ». Sans doute que si, mais v’la l’plaisir ! En tous cas, 2 jours plus tard Vincent faisait la bascule 😀

N’ayant aucune expérience, nous restons prudents, rien n’est jamais acquis, il y aura bien un moment où ces bivouacs vont nous sortir par les yeux et où nous rêverons de notre maison. En entendant, nous sommes dans une période idéale ou nous avons suffisamment optimisé notre routine et intégré notre vie de nomades pour être zens et souriants, tournés vers le plaisir d’être ensemble et de découvrir la terre et les hommes.

 A confirmer après la reprise, après cette (longue) semaine de coupure à Gdansk 😉

 

 

  • Les paramètres d’inconfort d’un bivouac :
    • L’humidité
    • Le froid
    • Les bestioles (qui piquent)

 Les paramètres de confort d’un bivouac :

    • L’exposition
    • Un cours d’eau dynamique (= eau claire et pas de moustiques) à 50 mètres (trop près = humidité)
    • Sol plat

 

 

Quid du lâcher-prise ?

 

 

Là encore, différence de timing. Là surtout !

Dans un premier temps, pas de surprise, Vincent attaque à la cool, laissant venir l’expérience pour que les choses rentre dans un certain ordre, alors que Céline a besoin de cadrer rapidement. Rien de nouveau sous le soleil, y compris les tensions que ça peut créer (engueulade numéro 1 ;).

La surprise vient de « l’inversion de la courbe ». Une fois l’objectif de Berlin atteint (après ceux de Strasbourg et Oberursel), celui de Moscou loupé 🙁 et le mode de vie intégré, Céline a lâché-prise, passant réellement en mode nomade-cool. Alors que Vincent, finalement, a du mal a lâcher un certain cadrage de l’itinéraire. La vérité étant dans la cool attitude, Vincent compte bien y rejoindre Céline. Affaire à suivre 😉

Une chose est certaine, 1 an c’est court ou c’est long, c’est selon, mais c’est un horizon fini, et ça change tout.

 

 

 

Le cyclotourisme qu’est-ce que c’est ?

 

Cette aventure n’est pas spectaculaire. Ni dans ce que nous voyons, ni dans ce que nous vivons.

A vélo, impossible d’aller d’un site touristique à un autre, de se faire la tournée des plus beaux endroits d’Allemagne, de Pologne, de Poméranie, ou même de la région de Gdansk. Notre parcours est relativement « linéaire » et nous prenons ce qu’il nous offre.

En contrepartie, l’approche par le vélo change tout. La côte polonaise de la mer Baltique, par exemple. Elle fût magnifique et sauvage pour nous. Mais si on s’imagine arriver dans une de ces stations balnéaires en avion+voiture, on arrivera plus à une description du genre « c’est Saint-Brévin-les-pins dans les Landes, ici » ! Et si on s’imagine en « vacances villa pour 15 jours », on se dit qu’il n’y a pas grand-chose à voir/faire, à part la plage. Alors qu’à vélo, on profite des pistes cyclables en front de mer sauvage, des petites routes de campagne, des chemins forestiers, de chaque petit village, des épiceries, des vaches, des chevreuils.

La découverte par le vélo est plus lente, on se nourrit de détail et d’ambiance. De quelques rencontres et des regards.

Cette aventure n’est pas spectaculaire intérieurement non plus. Pas de « nouvelle philosophie de la vie ». Pas de révélation qui nous tombe dessus. A la limite on peut vouloir réfléchir un peu, prendre du recul, mais c’est plus du fait d’être en vacances que d’une force des esprits de la terre et de l’univers.

Et du fait de ce « non spectaculaire », de l’effort physique et de notre dépendance permanente à l’incertitude (météo, lieux de chute, ravitaillements), mais aussi parce que nous sommes focalisés sur « un seul sujet », les sentiments sont amplifiés. Un simple champ bien orienté ou un ravito légumes à la ferme créera de l’extase 😀 … bon, l’arrivée, après 1500 km de vélo, sur une plage déserte de la mer Baltique en plein soleil, c’est un peu plus qu’un simple champ ;p

 

 

 

Et les galères dans tout ça ?

 

Honnêtement … rouler sous un déluge de vent et de pluie par 2 degrés en Allemagne ? Presque marrant … à postériori ;p Dormir par -1° en pleine forêt humide ? Pas la meilleure nuit, mais un très bon souvenir ! 3 engueulades en 2 mois, « ça le fera pas, ça le fera pas » ? Comme à la maison 😀 Mettre 2 heures à chercher un spot pour dormir et finir dans une « pension » sans intérêt ? Y’a pas mort d’homme. Manger des pissenlits parce qu’on n’a plus rien en réserve ? Jamais arrivé 😀

… ah, scoop ! Vincent a pété une fois les plombs ! A cause de ces satanées bestioles qu’il ne connaissait pas. Les « mimos » dans le jargon P4CAP : les micro moustiques ! « Ingérable, un truc de fou ! ».

Nous avons beau chercher, voire noter-pour-ne-pas-oublier, il n’y a rien de vraiment croustillant à révéler. Rien qui rende le truc plus fou ou fort.

Cette aventure, c’est comme une succession de dimanches de rando. Le seul truc c’est qu’une tente ne sera jamais un lit sous un toit.

 

LES CHIFFRES

Kilomètres parcourus à vélo : 1933

Kilomètres parcourus en train : 47 + 28 = 75

Dénivelé+ total : 7614 m

Nb d’heures sur les vélos : 150,47 h

Nb d’heures sur les vélos par étape (moy) : 3,5

 Nuitées :

 

 

 

Camping sauvage

21

42%

Camping

8

16%

Pension

4

8%

Hôtel

3

6%

RBnB

1

2%

Amis

11

22%

Invitation

2

4%

 

Nuitées avec baignade : 8

Nuitées avec douche : 29

Jours sans se laver : 10

Max nb jours d’affilé sans se laver : 3

Max nb jours d’affilé en camping sauvage : 4

 

Nb jours pluie : 5 ?

Température max : 32°

Température min : -1°

Litres de bière avalés : env. 30

 

Nb. pays : 4 (incl. France)

 

Tiques : Céline 2, Fernand 3, Vincent 5

Puces de 🦆 : Vincent 3 fois en 6 baignades

Gamelles : 1 Vincent sans les mains, 1 Émile rail de train, 1 Céline dans le champ

Pépins mécaniques : 2 crevaisons, 1 boulon de porte-sacoche perdu, 1 porte-sacoche cassé

Cadeaux : presque 1 par jour

Tracteurs comptés par Émile : 55 en Suisse, 99 en Allemagne, puis stop

Problèmes de santé : Vincent 1 coulante

Le nombre d’engueulades : 3

Animaux de près : chevreuils, biches, sangliers, mimos, cigognes, renards, écureuils

 

Le moment le plus stressant : quand nous avons dû mettre pied à terre … à Copponex !